04:38
Je suis Québécois, je cite un passage difficile du rapport de Lord Durham. Parce que j'imagine qu'on a peu été confronté au texte comme tel, sauf pour un petit passage notoire. Bien quand je lis ça je suis presque capable de me sentir victime de racisme, alors que je dispose de toutes les caractéristiques de la majorité dans mon monde. Donc il y a un élément salutaire pour moi aussi là-dedans, étrangement !
Donc je cite : « On ne peut guère concevoir de nationalité plus dénuée de tout ce qui peut donner de la vigueur et de l’élévation à un peuple que celle que présentent les descendants des Français dans le Bas-Canada, par suite de ce qu’ils ont retenu leur langue et leurs usages particuliers. Ils sont un peuple sans histoire ni littérature...
...La littérature d’Angleterre est écrite dans une langue qui n’est pas la leur, et la seule littérature que leur langue leur rende familière est celle d’une nation dont ils ont été séparés par 80 années de domination étrangère, et encore plus par les changements que la révolution et ses conséquences ont opérés dans tout l’état politique, moral et social de la France...
Cependant c’est d’un peuple que l’histoire récente, et de nouvelles mœurs et manières de penser, séparent d’eux si entièrement que les Canadiens Français reçoivent presque toute l’instruction et l’amusement que l’on retire des livres. C’est sur cette littérature entièrement étrangère, qui traite d’événemens, d’idées, et de mœurs, qui leur sont tout-à-fait étrangers et inintelligibles, qu’ils sont obligés de dépendre...
Leurs Journaux sont pour la plupart écrits par des natifs de France, qui sont venus chercher fortune dans le pays, ou que les chefs de parti y ont amenés pour suppléer au manque de talents littéraires disponibles pour la presse politique. De la même manière leur nationalité a l’effet de les priver des jouissances et des influences civilisatrices des arts...
...Quoique descendue du peuple du monde qui aime le plus généralement l’art dramatique, et qui l’a cultivé avec le plus de succès ; quoiqu’elle vive sur un continent où presque chaque ville, grande ou petite, a un théâtre Anglais, la population Française du Bas-Canada, isolée de tout peuple parlant sa langue, ne peut supporter un théâtre national.
Dans ces circonstances, je serais en vérité surpris si les plus réfléchis d'entre les Canadiens Français entretenaient à présent aucun espoir de continuer à conserver leur nationalité. » (Rapport de Lord Durham, haut-commissaire de Sa Majesté, etc., etc., sur les affaires de l'Amérique septentrionale britannique, 1839)
Mais au moins il avait écrit quasiment 200 pages avant de faire écrire de telles bêtises. Avant ce passage, il explique « C’est pour les faire sortir de cette infériorité que je désire donner aux Canadiens notre caractère Anglais. ». Je pense vraiment qu'il était sincère mais inconscient de l'énormité de son propos.
Au moins il était mandaté, c'était son travail. Loin de moi l'idée de le défendre. Mais l'assimilation, il connaît ça, on peut dire qu'il sait de quoi il parle d'une certaine manière.
On ne choisit peut-être pas ses impressions, mais on choisit de les communiquer. Et communiquer des impressions négatives sur un groupe de personnes ciblé (qui incidemment forment un peuple), bien il faut peut-être se demander ce que ça peut alimenter comme idée chez d'autres personnes ? À quoi ça sert de livrer ses impressions sur comment on n'aime pas tel accent ?
1 hour later…
06:27
Une grammaire descriptive du français probablement en passe de succéder au « Grevisse » : La Grande Grammaire du Français. Et pour les parisiens une présentation de l'ouvrage à l'université de Paris et une rencontre débat à la BNF.
06:53
@None Bien intéressant, merci ! Elle dépasse certainement le Bon usage par son nombre de pages (plus de 1000 pages de plus !!) ; plus de pages, plus de lecture sur le sujet etc., plus de bonheur ! J'ai trouvé que leur index ressemble à celui de Grevisse mais tant mieux, l'index a toujours été excellent (mon avis).
J'ai aussi noté leur propos « Ce qu’on appelle faute de français provient souvent d’un usage inapproprié dans un contexte donné, et trouve toujours sa place dans la description complète de la langue en tant que système » et « La GGF dépasse le cadre hexagonal pour documenter ces nombreux usages, sans oublier les variations régionales de France ».
2 hours later…
08:49
@λyoyed'oncques Le concept dans l'enseignement français tient une place honteusement importante. Si je me rappelle bien il est y fait allusion dans l'entretien que je signale en podcast sur France Inter. Là où l'anglais voit une erreur (mistake) le français voit un manquement moral quasi religieux. Brrrrr....
Une grande erreur pédagogique dans l'enseignement français c'est de reprendre l'élève pour qu'il (re)produise LA norme. Je crois cependant que cette façon de voir est désormais remise en cause et que la pédagogie de l'erreur devient un sujet d'étude. Il était temps. La France a un retard de plusieurs décennies sur les pays anglo-saxons dans ce domaine.
09:03
La première phrase de l'introduction est « le français est parlé sur les cinq continents ». Plus loin « le français de France, voire de Paris, ne constitue plus la référence ». Le Québec est mentionné bien sûr mais pas que ! Un large spectre de registres est pris en compte, y compris celui des textos et de l'oral. Ce que Grevisse ne pouvait pas faire. La lecture de l'introduction m'a réjouit parce que j'y retrouve ma conception d'une grammaire descriptive du 20e s.
Tiens une phrase (vraiment au hasard, ma liseuse se trouve juste là) « ...*pas* suffit à exprimer aujourd'hui la négation, sans remonter à l'ancien français ou ne était d'abord employé seul avant de s'associer à pas. » Je signale que certains sites commerciaux proposent le téléchargement gratuit d'un extrait en epub, ce qui permet de lire l'introduction.
09:18
Waouh, sur la page suivante : « dans d'autres cas, une manière de dire ou d'écrire est associée à une région, à un groupe social ou à une situation de parole. Par exemple, avion est masculin en France, féminin au Québec » Marde alors ! je savais pas ça !
J'ai recherché sur FL si ça avait jamais été dit et je tombe sur cet unique post d'un Européen qui parle « d'une faute courante au Québec de féminiser des mots ». Pour illustrer ce que je disais plus haut....
09:37
@None Marde alors haha ;-) Ouais, c'est plus riche encore, c'est qu'il y a différents phénomènes dont celui décrit ici. La manière de prononcer un peut être relâchée ou moins intense parfois de sorte qu'on peut entendre une... Ensuite dans la réponse on mentionne aussi ascenseur, autobus, aéroport et avion...
Avec autobus, on a des différences entre Montréal et Québec, et à Québec à ma connaissance on dit une bus depuis un bon moment.
Ensuite on aurait le cas où ce n'est pas à Québec mais c'est perçu comme dans le basilecte je pense.
4 hours later…
13:16
@λyoyed'oncques En effet, si on ne peut pas parler de racisme en tant que pratiques en vigueur, il est bien question, en ce lointain passé et selon Lord Durham, d'un affrontement contenu de races :
(rapport de Lord Durham « Il n’y a pas de peuple au monde si peu fait pour sympathiser avec les vrais sentiments et la vraie poétique des Canadiens-Français, que celui des États-Unis ;
aucun peuple si peu disposé à partager leur désir de préserver de vieilles lois barbares, et d’arrêter l’industrie et l’avancement de leur pays, afin de flatter l’idée folle et étroite d’une nationalité rétrécie et visionnaire. Les Américains qui ont visité le Bas-Canada comprennent fort bien l’affaire ;
ils voient que la querelle est une querelle de races ; et ils montrent certainement peu d’inclination à prendre la part des Canadiens-Français et de leurs institutions. »
13:56
@LPH Tu es passé à côté du point, c'est de racisme. Et il est mal placé pour parler des Américains, même si les Canadiens-Français sont à Durham ce que les Africains-Américains sont aux Américains possiblement.
@λyoyed'oncques Ça n'a pas l'air d'être véritablement une question de race ; c'est clair dans d'autres assertions qu'il fait : dès que converti à la culture anglaise, à la langue anglaise, il n'est plus question de différence, et les « sujets » soont reconnus comme égaux. Quelles remarques ? Je ne fais pas de remarque sur les accents, dans ces messages.
@jlliagre Pas du tout, en fait je n'aime pas la prononciation québécoise, tout au moins celle de ce crois être celle d'une grand partie de la population ; je me suis simplement rendu compte un jour qu'au Québec on disait « weekend » comme moi, mais c'est tout. S'ils sont contents, ehbien tant mieux, mais je dirais qu'il ne leur en faut pas beaucoup pour être content. — LPH yesterday
14:45
@LPH Franchement. Quand un mot est employé différemment dans différentes régions de la francophonie, et qu'on décide de s'aligner sur un des emplois, et qu'une personne demande "Tu parles X maintenant ?", il n'invite pas un commentaire sur l'accent ou l'oral régional, il indique qu'on s'aligne sur la manière de parler, sur l'emploi...
Ce qui rendait ton commentaire sur la prononciation absolument gratuit. Je mets ça sur le compte de ton incompréhension de la langue.
D'où en partie ma tentative plus ou moins subtile de pédagogie. Elle n'invitait pas vraiment un commentaire qui viendrait faire l'apologie de Durham, mais on est libre de le faire. Le Québec n'est pas persécuté sur le site.
Et comme j'ai cité ton propos pour la prononciation de « tout au moins celle de ce crois être celle d'une grand partie de la population », c'était sans même le savoir vraiment. Donc un pâté d'incurie sur une tranche de niaiserie, d'où l'épaisseur.
Donc en résumé, ton propos était gratuit et non sollicité, il n'y avait aucune question personnelle ni privée dans l'échange, tu n'avais même pas pris la peine de vérifier si tu ciblais bien ce que tu pensais vouloir cibler. Ensuite je produis Durham et tu ne comprends pas pourquoi. Durham invitait à la prise de conscience de la bêtise qu'on peut exprimer.
15:00
Si le dénigrement qui était celui de Durham et la puissance de la couronne britannique n'ont pas réussi à faire trébucher le Québec, penses-tu qu'un commentaire sur la prononciation peut faire de lui une victime. Non, c'est une histoire de résilience et de résistance à l'assimilation. Le commentaire est simplement blessant et inutile et ce n'est pas le Québec qui réagit. C'est moi.
Il faut être juste et mon commentaire sur les insulaires peut aussi être blessant. Mais au moins il ne s'agit pas d'un groupe minoritaire à l'intérieur d'une minorité linguistique.
J'apprécierais davantage te savoir y réfléchir que d'obtenir une quelconque réponse. Je me suis exprimé sur le sujet, tu es libre d'en faire autant.
15:16
@λyoyed'oncques Ce n'est pas gratuit, c'est dire que puisque je n'aime pas un aspect important d'une chose, à plus forte raison je ne vais pas en faire une préférence. C'est dire "Je n'aime même pas l'accent, comment pourrais-je me mettre à le parler ? » De toute façon, même si c'était gratuit, je n'ai de compte à rendre à personne pour ce genre de chose ;
c'est plutôt banal, un accent donné, ou les spaghettis à la bolognaise, ou les tableaux de Picasso … on a la libeté de dire ces chose. Comme si les gens se gênaient pour rendre public leur opinion négatives sur ma façon d'écrire ! Ça non plus ce n'est pas le sujet du site, mais je les laisse libre de le dire.
Je ne cherche pas à faire l'apologie de Durham ; c'est clair, l'attitude de Durham était celle des australien vis-à-vis des aborigènes, bien que plus modérée,puisq'eux, les australiens, voulait faire disparaitre une race, humainement, alors que Durham, c'est assez apparent, voulait faire disparaitre une civilisation.
15:42
@λyoyed'oncques Savoir s'il s'agit de l'accent de mes ancêtres est quelque chose qui ne me semble pas possible. Pourquoi, puisque l'on croit savoir que toutes les langues et tous les accents évoluent, l'accent du Français de France aurait-il changé pendant que celui du Québec serait resté intact, celui de la vieille France ?
Non, on ne sait pas, et il est même probable que l'accent du français du Québec soit déjà teinté de consonnances empruntées à l'anglais ; j'ai une certaine impression de cela bien que je n'ai pas assez écouté pour avoir pu arriver à une conclusion.
@λyoyed'oncques Cette remarque à propos de qui parle une autre variante de la langue que la sienne tombe vraiment mal ! J'ai commencé mon apprentissage de l'anglais sur la base d'une prononciation américaine (mal assimillée mais néanmoins j'en garde des séquelles) et j'ai changé pour me convertir à la prononciation de la variante RP.
On peut très bien faire ces choses là.
On peut très bien faire ces choses là.
15:58
bigotry : « (OALD) the state of feeling, or the act of expressing, strong, unreasonable beliefs or opinions. »
« strong » n'a rien à voir dans cette opinion, et « unreasonable » non plus. Les questions à propos des accents devraient elles être taboos ? elles ne le sont pas en France ; les gens des villes donnent leurs opoinions librement sur l'accent du parler dans les campagnes et vice versa, même si parfois on préfèrerait qu'ils le fassent en termes plus considérés, plus raisonnés.
« strong » n'a rien à voir dans cette opinion, et « unreasonable » non plus. Les questions à propos des accents devraient elles être taboos ? elles ne le sont pas en France ; les gens des villes donnent leurs opoinions librement sur l'accent du parler dans les campagnes et vice versa, même si parfois on préfèrerait qu'ils le fassent en termes plus considérés, plus raisonnés.
3 hours later…
18:47
@jlliagre @λyoyed'oncques Là on voit que @jlliagre et moi on n'est pas de la même génération, quand j'étais au lycée quand on avait pas de cours on ne glandait pas au bistrot du coin ou dans la cour mais on allait en perm càd en « salle d'étude » !
Ceci mis à part j'aime/j'aime pas la vie au collège/au lycée c'est hyper courant on peut faire plus idiomatique. Suffit de se mettre sur le trottoir à la sortie des élèves ou les écouter dans la cour. Et puis, la presse, la presse .... ça se trouve pas dans ngrams la presse mais suffit de googler. Pff...
@None Quoi, quoi ?? J'ai dit que j'étais au bistro, moi ! ;-) Je ne donnais que des exemples de phrases sur le modèle j'aime l'école au lycée et je dois avouer que je n'ai jamais eu d'heure de colle ni connu de préfète ou fréquenté d'athénée... Pour ce qui est de la génération, je ne suis plus si jeune, j'ai eu un mois de vacances à l'école de garçons en mai 68, j'ai aussi connu les heures d'études dans des salles très silencieuses au collège. Au lycée, c'était nettement plus décontracté...
1 hour later…
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